LA PORTABILITÉ DES PRÊTS IMMOBILIERS  : FAUSSE BONNE IDÉE OU VRAI COUP DE POUCE ?

LA PORTABILITÉ DES PRÊTS IMMOBILIERS : FAUSSE BONNE IDÉE OU VRAI COUP DE POUCE ?

En recul continu depuis septembre 2021, le nombre de transactions de biens immobiliers a fortement baissé depuis plus d’un an. Parmi les raisons de cette crise, la tension sur le marché du crédit est pointée du doigt, de même que le réajustement lent du prix des logements. Comment dégripper la situation et améliorer le financement des particuliers ? Le 2 mai dernier, le député Renaissance de Seine-Maritime, Damien Adam, déposait une proposition de loi visant à généraliser la portabilité des prêts, qui permet à un emprunteur de conserver les conditions de son crédit initial lorsqu’il achète un nouveau bien après avoir vendu le premier. Certains y voient un signe positif, d’autres estiment qu’il s’agit d’une option susceptible de fragiliser le système financier actuel. Quels sont les avantages de la portabilité du crédit immobilier et pourquoi les banques sont-elles opposées à sa généralisation ? Faisons le point...
Qu’est-ce que la portabilité des prêts et quels sont ses avantages ?

Actuellement facultative dans les contrats de crédits, la portabilité des prêts permet à un emprunteur de maintenir les conditions du prêt initialement accordé lorsqu’il revend son bien pour en acquérir un nouveau.
La portabilité et la transférabilité des prêts (variante qui autorise un emprunteur à transmettre son crédit au nouveau propriétaire) sont défendues par la FNAIM depuis plusieurs années. Son président Loïc Cantin en avait fait l’un des chevaux de bataille de la fédération, dès son investiture en 2022. Il semble avoir été entendu, car Damien Adam, député Renaissance de la Seine Maritime a déposé au début du mois de mai, un projet de loi visant à généraliser la clause de portabilité des prêts à tous les crédits.

Le débat sur la pertinence de cette mesure reste cependant très vif entre les différents acteurs. Certains y voient un montage financier qui fragilisera le système financier actuel, d’autres avancent que la portabilité des prêts comporte suffisamment d’atouts pour dégripper le marché du crédit et relancer le secteur.

Sur le papier, la portabilité des prêts semble pourtant très attractive.
En premier lieu, elle permettrait à un emprunteur de bénéficier du taux de son premier crédit pour acheter un nouveau logement. Dans les conditions d’emprunt actuelles, cela signifierait de pouvoir profiter d’un taux inférieur de 2 à 3 % pour financer en partie son nouvel achat. Par ailleurs, la portabilité des prêts faciliterait également les démarches de souscription d’un nouvel emprunt pour boucler le financement d’une nouvelle maison ou d’un nouvel appartement.
Enfin, troisième atout pour les particuliers : en prolongeant leur ancien crédit, ils économiseraient aussi les frais de remboursement anticipé de leur ancien prêt. Cette dépense représente parfois de belles sommes et elle est incontournable pour les emprunteurs qui clôturent leur emprunt au moment de la revente du bien.

Pourquoi les banques françaises sont-elles opposées à cette généralisation de la portabilité ?

Si elle était votée, cette mesure obligerait les préteurs à accorder aux emprunteurs qui le souhaitent, le recours à la portabilité de leur crédit immobilier. Une généralisation qui n’est pas du goût de tous. La FBF (fédération bancaire française) s’est exprimée contre ce principe car selon elle, il fragiliserait grandement le modèle de financement des emprunts immobiliers.

Depuis 2019, en vue d’anticiper la hausse des taux annoncée, les banques ont supprimé de leurs contrats cette clause de portabilité facultative. Elles avancent en effet que la portabilité, de même que la transférabilité, comportent plus d’inconvénients que d’avantages.

La généralisation de la portabilité du crédit pourrait avoir un effet pervers rebond et entraîner une augmentation des taux d’intérêt des prêts immobiliers. L’allongement de la durée moyenne des emprunts s’accompagnant d’une augmentation des coûts pour les couvrir, les banques argumentent qu’elles seraient dans l’obligation de transformer leurs modèles actuels.

Pouvant potentiellement aller jusqu’à 25 ans, la durée des emprunts à faible rendement serait allongée en moyenne de 8 années, du fait de la mobilité des emprunteurs (agrandissement des familles, changement de région, divorce, etc...). Avec à la clé, une diminution des marges bénéficiaires des banques, une augmentation de la prise de risques, et un poids plus important donné au bien immobilier comme garantie.

La portabilité des crédits logement n’a jusqu’à présent fait l’objet d’aucune réelle étude d’impacts. Elle pourrait donc favoriser la mobilité sur le marché immobilier, mais il reste cependant des incertitudes quant à sa viabilité économique sur le long terme.

Bon à savoir : la FNAIM a également prévu de déposer un amendement en vue de permettre la transférabilité du prêt à un tiers éligible, en l’absence de portabilité. Rappelons que la transférabilité permet à un vendeur de transmettre son crédit au nouvel acquéreur, et donc potentiellement, de lui permettre de financer une part de son achat en bénéficiant d’un taux immobilier plus avantageux que ceux qui sont actuellement pratiqués.